Charles Babbage aux origines de l’ordinateur

Charles Babbage © Wikipédia

Le carré de Vigenère n’est pas pratique mais ne peut être analysé par fréquence. Les états ont utilisés des substitues pour crypter leurs correspondances. Les méthodes étaient plus ou moins efficaces, mais l’on s’en contentaient.

Le Chiffre le plus efficace était celui de Vienne. Les lettres arrivant ou partant des ambassades étaient interceptées matin et après-midi, copiées puis scellées pour poursuivre leur chemin dans l’heure qui suivait. Des centaines de missives passaient par ce bureau chaque jour et étaient décryptées dans la journée. En 1774, connaissant le travail du Chiffre viennois, l’ambassadeur français Abbot Goergel payait 1 000 ducats pour avoir deux livraisons d’informations par semaine, qu’il envoyait directement à Louis XIV à Paris.

Le Grand Chiffre de Louis XIV et le Masque de Fer

Antoine et Bonaventure Rossignol, père et fils, élaborèrent un chiffre qui fut impossible de briser pendant près de trois siècles. La méthode était connue, mais les différentes ajouts de cryptage rendait l’analyse difficile.

Comme vu dans l’article précédent, la substitution homophonique permet de s’affranchir du carré de Vigenère. Mais l’analyse des digrammes permet de décrypter un message. Les Rossignol ont alors eut l’idée d’augmenter la quantité de symboles et surtout d’en utiliser certains pour indiquer que le suivant ne devait pas être pris en compte. Ainsi, un w crypté est compté dans l’analyse fréquentielle alors que dans le déchiffrement il n’est pas à conservé.

Après la mort des inventeurs du Grand Chiffre, le code est tombé en désuétude, car le bureau du Chiffre en avait perdu les règles. Ce n’est qu’en 1890 qu’Etienne Bazeries, spécialiste en cryptographie au sein de l’armée, se mis au défis de décrypter les plus de 587 signes, suite à la découverte de nouvelles lettres crypter avec la même méthodes.

Extrait de la nomenclature du Grand Chiffre (journal Cryptologie, janvier 2005, volume XXIX, numéro 1, p. 47. Image de Paris, Service historique …… Archives Série A.)
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Après 3 ans de recherche, il découvrit que la substitution pouvait s’appliquer à des digrammes, voir des mots entiers. En particulier le groupe de chiffres (124-22-125-46-345), apparaissant plusieurs fois dans différents courriers, fut l’élément déclencheur de l’analyse. Bazeries pensait que cela pouvait être les-en-ne-mi-s, à raison.

C’est ainsi que certaines correspondances remirent au jour une affaire qui passionnait déjà les foules : celle de l’homme au Masque de Fer. Frère jumeaux du Roi, contestataire révolutionnaire, d’Alexandre Dumas, ou Victor Hugo à Benjamin Franklin, des centaines de théories avaient émergées sans trouver de réponses. Jusqu’à ce que Bazeries brise le Grand Chiffre.

L’homme n’était autre qu’un général couard, fuyant devant la difficulté de prendre la ville de Cuneo, dans la guerre du Piémont.

Sa Majesté voit mieux que personne les conséquences de cet acte, et est consciente du préjudice qu’il a porté au notre cause en ne réussissant pas à prendre la place, un échec qu’il va falloir réparer durant l’hiver. Sa Majesté désire que vous arrêtiez immédiatement le général de Bulonde, et qu’il soit conduit à la forteresse de Pignerol, où il sera enfermé dans une cellule gardée la nuit, et où il pourra se promener sur les remparts dans le journée, en portant un masque.

Correspondance de François Michel le Tellier de Louvois, Ministre de la Guerre sous Louis XIV

Du télégraphe à la machine analytique

Code international Morse © Wikipedia

En 1753 naquit le télégraphe et avec elle la sécurisation des messages. En effet, même si le morse peut s’apparenté à un cryptage monoalphabétique – transformant les lettres en une succession de points et traits – le message n’est pas réellement crypté et toute personne, le voulant, peut intercepter le message en se branchant sur les câbles de transmissions et traduire en clair l’information.

Les grandes entreprises, utilisant assidument ce moyen de communication devaient trouver une méthode de cryptage. Plus l’information était sensible, plus la sécurité devait être forte. Entre cryptage monoalphabétique et polyalphabétique – dont le carré de Vigenère – les envois de messages devenaient plus long à transmettre, car aucun lien entre les lettres ne permettaient aux opérateurs d’accélérer la cadence.

Modèle d’essai d’une partie de la machine analytique, construit par Charles Babbage, exposée au Science Museum de Londres © Wikipedia

Né en 1791, Charles Babbage se passionna très tôt pour les sciences devint l’un des inventeurs les plus prolifique de sa génération. Du pare-buffle à l’avant des locomotives à l’affranchissement à prix unique en passant par le compteur de vitesse, il touchait à des dizaines de domaines, dont celui des mathématiques avec correction des Éphémérides nautiques pour trouver la latitude et la longitude en mer comprenant plus de mille erreurs, et responsable de centaines de naufrage. En 1823, il établit les plans d’un superbe calculateur appelé Difference Engine N°1, comprenant plus de 25 000 pièces. Dix ans plus tard, n’aboutissant à rien, il perdit les subventions de l’état mais conçu le Difference Engine N°2 qui ne vit pas le jour.

En 1985, le musée des sciences de Londres entreprend la construction du Difference Engine N°2 (8 000 pièces, 5 tonnes, 3m x 2m x 45 cm) pour célébrer le bicentenaire de Babbage en 1991. Basé sur les plans de l’inventeur, la machine est terminée à temps et fonctionne parfaitement. Depuis 2002, elle est totalement achevé avec son module d’impression et de stéréotype. Avec cette machine analytique – utilisant les formes conditionnelles et les boucles connues des développeurs – Charles Babbage est incontestablement les pères des ordinateurs.

A l’assaut du Carré de Vigenère

Bien évidement, l’une de ses passions avait trait à la cryptanalyse. Depuis son plus jeune âge il se faisait fort de casser le code de ses camarades de classe, quitte à se faire lyncher pour son travail. Dans la société londonienne, on faisait appel à lui pour le décryptage de messages historiques ou judiciaires.

En 1854, très peut informé des méthodes de chiffrement, John Hall Brock Thwaites écrivit au Journal of Society of Art, informant qu’il venait d’inventer un nouveau chiffre, qui n’était autre que le Carré de Vigenère. Babbage lui répondit que « le code était très ancien et figurait dans de nombreux ouvrages ». Piquer au vif, Thwaites mit au défi Babbage de briser son chiffrement. Babbage s’attaqua donc au chiffre le plus sûr de l’Histoire et réussi probablement en 1854, mais ne fut jamais publier, car cela permit probablement au gouvernement d’avoir accès à des informations sans se dévoilé auprès des organismes utilisant le Carré de Vigenère. Ce n’est qu’au XXe siècle que Friedrich Wilhelm Kasiski, un officier prussien à la retraite, est arrivé eu même résultat – technique qui porta son nom, et Babbage restant inconnu.

Cryptanalyse du Carré de Vigenère

Pour rappel, le carré de Vigenère permet de chiffrer un message avec plusieurs alphabets chiffrés, le tout en suivant un mot ou une phrase clé (Cf. Carré de Vigenère : Chiffre polyalphabétique). Ainsi, la lettre e peut être chiffré de quatre façon différentes selon le mot clé choisi.

Exemple 1 : Chiffrement de la lettre e avec le mot clé VIDE
Le V chiffre e en Z
Le I chiffre e en M
Le D chiffre e en H
Le E chiffre e en I

De même, les mots entier peuvent être chiffrés de plusieurs manières, en fonction de la position de la première lettre du mot à chiffrer et du mot clé. Ainsi, le mot thé peut être chiffré en OPH, BKI, WLZ ou XCM. L’approche de Babbage est de référencer les séquences de lettre les plus fréquentes dans le texte et d’en calculer l’écart pour déterminer la longueur du mot clé le plus probable.

Charles Babbage a l’idée d’appliquer une analyse fréquentielle sur des lettres se rapportant à chaque lettre du mot clé. Mais pour cela, il faut préalablement déterminé la longueur du mot clé grâce aux répétitions.

Exemple 2 : 
thérussethévertthéjasmin est chiffré OPHVPAVHOPHZZZWXCMMENULR avec le mot clé VIDE

Le groupe de lettres O-P-H est répété avec un écart de 8. Il semblerait que la longueur du mot clé soit un multiple de 8, soit 1, 2, 4 ou 8.

1 étant une répétition de 8 fois la même lettre (monoalphabet), il est à exclure.
Ne reste que les mots clés de 2, 4 et 8 en utilisant l'analyse fréquentielle simple pour déterminer le meilleur mot clé.

Note : Avec un texte aussi court, la détermination de la longueur n'est pas assez effective.

Et c’est ainsi que le Carré de Vigenère fut briser.

Aujourd’hui, les algorithmes permettent de calculer les répétitions et les écarts de groupes de lettres, puis les fréquences des lettres pour déterminer plus rapidement les mots clés potentielles pour qu’un humain puisse valider la cryptanalyse. Il n’est pas à exclure que des intelligences artificielles puissent encore affiner l’analyse pour réduire les possibilités avant présentation à un contrôleur.

Quels méthodes reste-il pour chiffrer efficacement ?

A présent que le Carré de Vigenère n’est plus inviolable et que le XIXe siècle arrive à sa fin. Les puissances ont de plus en plus besoin de sécuriser leurs communications. Les cabinets noirs du monde entiers ont besoin de chiffrer et déchiffrer rapidement. La mécanisation et la télécommunication sont en plein essors. Les batailles se font aussi loin à l’arrière du front. L’information est primordiale et les cryptanalystes sont plus présents que jamais.

Lorsque la seconde Guerre Mondiale fait rage et que l’Axe est en force dans la majeure partie de l’Europe, les Alliés font face à une machine qui leur donnerons du fils à retordre : Enigma.

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